Pour un mariage gai
En tout cas s'il est une institution qui a su exalter la verve et exciter la plume de nos auteurs, philosophes, polémistes, humoristes ou poètes de tout pays et de toute génération, c'est bien le mariage, mais c'est ou c'était rarement pour l'encenser. J'ai essayé de répertorier quelques pensées, maximes proverbes ou assertions d'auteurs divers et vous constaterez un commun désenchantement, une invariable méfiance à l'égard du mariage. Bien entendu, ces propos désabusés sont le fait de personnalités masculines et mariées pour la plupart.
Entendons nous bien, ce qui suit n'est absolument pas un réquisitoire contre le mariage pour tous mais une illustration de ce que les esprits souvent bien inspirés ont écrits à l'époque où cette institution était encore bien ancrée sur son socle de conventions et un prétexte à exposer les plus drôles ou subtiles pensées que le mariage leur a inspirés.
Je commencerai par citer les nostalgiques du célibats comme Josephn Joubert qui affirmait qu' Il ne faut choisir pour épouse que la femme qu'on choisirait pour ami, si elle était homme ou comme Sacha Guitry qui prétendait: "Le célibat ? On s'ennuie. Le mariage ? On a des ennuis". Friedrich Nietzsche semblait leur faire écho en déclarant: "Le mariage met fin à beaucoup de brèves folies par une longue sottise". Eh! oui, les philosophes se sont prononcés aussi sur la question et cela remonte même à l'antiquité puisque c'est, paraît-il, à l'épouvantable caractère de son épouse Xanthippe que Socrate dut de devenir philosophe puisqu'il écrivait: " de toute façon mariez vous: si vous tombez sur une bonne épouse, vous serez heureux. Si vous tombez sur une mauvaise, vous deviendrez philosophe, ce qui est excellent pour l'homme".
D'autres auteurs et pas des moindre tel Jean Anouilh, prenaient la chose avec légèreté en alléguant Si tes amants t'ennuient, marie-toi, cela leur donnera du piquant, alors que Beaumarchais dans le mariage de Figaro faisait dire à Bazile que de toutes les choses sérieuses, le mariage était la plus bouffonne. Quant à Paul Léautaud il prétendait que L'avantage d'être célibataire, c'est que, lorsqu'on se trouve devant une très jolie femme, on n'a pas à se chagriner d'en avoir une laide chez soi.
Certains de nos illustres écrivains aussi différents qu'Anton Tchekhov et Paul Morand discréditèrent l'institution en la décrivant comme une lente et inéluctable descente vers la désillusion et décrétaient, pour le premier: "Si vous craignez la solitude, mariez vous "et pour le second:"le mariage: d'abord sous le gui, ensuite sur le houx". Hippolyte Taine leur emboîtait le pas en décrivant le mariage ainsi: "On s'étudie trois semaines, on s'aime trois mois, on se dispute trois ans, on se tolère trente ans et les enfants recommencent". De son côté Jules Sandeau dans une comparaison culinaire décrivait Le mariage comme un dîner qui commence par le dessert alors que Sacha Guitry toujours aussi prolixe sur le sujet, affirmait, sur le même registre : "Le mariage est comme le restaurant, à peine est-on servi qu'on regarde ce qu'il y a dans l'assiette du voisin".
Quant à l'amour et le mariage, bon nombre de nos éminents littéraires, pas forcément sincères et objectifs, se sont évertués à les opposer. Ainsi Marivaux s'exclamait: "Nous marier ! Des gens qui s'aiment !" bien avant qu'Oscar Wilde n'ose "On devrait toujours être amoureux. C'est la raison pour laquelle on ne devrait jamais se marier".
Dans le genre, la citation que je préfère est l'oeuvre d'Alfred Bougeard, auteur due la fin du 19ème siècle qui écrivait: "Le mariage est la traduction en prose du poème de l'amour".
La fragilité du mariage a souvent été l'objet de définition parfois très sévères, ainsi pour Alexandre Breffort Le mariage est une condamnation de drap commun quant à Régis Hauser il considérait que Le mariage révèle le masochiste qui sommeille en vous. Même Montaigne y a mis du sien, lui qui aurait été concerné par le débat actuel a, en son temps, considéré qu' un bon mariage serait celui d'une femme aveugle avec un mari sourd.
De là à supposer que la seule recette au bonheur est d'éviter le mariage, il n'y a qu'un pas que même un politicien a franchi puisque Talleyrand, en personne, prétendait que le mariage est une si belle chose qu'il faut y penser pendant toute sa vie une autre façon de dire mariage plus vieux mariage heureux.
Malgré tous ces procès faits à l'institution certains se sont même remariés, une situation dont se gargarisait Samuel Johnson en observant qu'un second mariage est le triomphe de l'espérance sur l'expérience. Dans ces conditions, comme s'étonnait Robert Sabatier, il est fort curieux que les liens du mariage soient considérés comme un heureux dénouement ! et Henri Jeanson se posait la question suivante:" Pourquoi faut-il que les noces ne durent qu'un jour et le mariage toute la vie ?"
Cela-dit, ce qui est incontournable, c'est que dans bien des cas le mariage se solde par une séparation ce qu' Oscar Wilde, avec son humour légendaire, confirmait en écrivant que Le mariage est la cause principale de divorce. Pour en arriver là, assurément, le mariage était passé de duo en duel, comme le prétendait Emile Augier à moins qu'il n'aie divisé le fardeau en le multipliant ce qu'estimait, quant à lui, Jean baptiste Saint-Pierre. Quant à George Bernard Shaw il affirmait "quand un homme et une femme sont mariés, ils ne font plus qu'un. La première difficulté est de décider lequel."
En bref, deux êtres mariés peuvent très bien s'entendre à condition de ne pas être mariés ensembles.
Vous remarquez que bien peu de femmes se sont exprimées sur le sujet, faut-il comprendre qu'elles s'accommoderaient plus volontiers des contraintes qu'il implique? Cela dit, ce n'était pas le cas de Louise de Vilmorin qui pensait que De nos jours le mariage ne fait plus rêver personne si ce n'est que les prêtres et se trompait lourdement si on en croit la manifestation de dimanche dernier.
Quoi qu'il en soit, je pense à l'instar d'Yvan Audiard qu'un mariage raté est quand même plus joyeux qu'un enterrement réussi. Ce à quoi j'ajouterai pour terminer, qu'un mariage Gay c'est forcément mieux qu'une union triste.