LES FINANCIERS MALADES DE L'ARGENT
En hommage à Jean de la Fontaine
Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
L'argent (puisqu'il faut l'appeler par son nom)
Capable d'enrichir en un jour les larons,
Faisait aux financiers la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés
Par les sautes d'humeur du grand marché boursier.
Le président tint conseil, et dit : "Mes chers amis,
Je crois que le Ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune ;
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux,
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents
On fait de pareils dévouements :
Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence
L'état de notre conscience.
Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons
J'ai dépensé quelques millions.
Qu'elle est bien mince ! Ma dépense :
Même il m'est arrivé quelquefois de croquer le budget
en augmentant un peu mon salaire et mes frais
c'est vrai que j'ai aussi oublié mes promesses
Je me dévouerai donc, s'il le faut ; mais je pense
Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi :
Car on doit souhaiter selon toute justice
Que le plus coupable périsse."
Sire, dit Xavier bertrand, "vous êtes trop bon prince ;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse ;
Et, bien vivre en seigneur, avec salaire décent,
Est-ce un péché ? Non, non. Monsieur le président.
Quant au peuple l'on peut dire
Qu'il était digne de tous ces maux,
car ne vous ont-ils pas élu ces sots
Pour le moins bon et pour le pire! "
Ainsi dit le Xavier, et flatteurs d'applaudir.
On n'osa trop approfondir
Du Fillon, de Lagarde, ni des autres puissances,
Les moins pardonnables offenses.
Tous les gens querelleurs, jusqu'à Christine Boutin,
Au dire de chacun, étaient de petits saints.
Et les patrons ouvrant parachutes dorés
étaient, pour le principe, seulement sermonés.
Quant aux banquiers véreux
Ils savaient qu'en rescousse
L'état très généreux
Nous ferait payer tous.
L'ouvrier de Renault vint à son tour et dit : "J'ai souvenance
Que cette année, c'est vrai
Je n'ai pris de vacances
Quelque diable sans doute m'y poussant
Compte tenu du prix élevé du carburant
Et qu'ainsi je n'ai fait que grandir la crise
Puisque sur mon bon dos et par cette entremise
L'état n'a pu ainsi de taxes s'enrichir
et j'en suis responsable, je dois en convenir."
A ces mots on cria haro sur l'ouvrier.
Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Car ne pas dépenser ! quel crime abominable !
Quelle absence singulière de solidarité!
Et rien que le chomage n'était capable
D'expier son forfait : on le lui fit bien voir.
Par ceci apprenez :
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.